Mesure de la Température ( LA THERMOMÉTRIE )




Puisque la température affecte presque tous les aspects de sa vie, notre espèce a créé, depuis des siècles, différents appareils de mesure de la température. Nous utilisons par exemple le thermomètre à mercure, bien que sa conception remonte à plusieurs centaines d’années. Son fonctionnement repose sur la dilatation thermique de liquides, comme le mercure ou l’alcool, un phénomène connu depuis la nuit des temps. Dans un thermomètre le liquide conservé dans une petite ampoule à la base d’un tube de verre se dilate et forme une colonne dont la hauteur est proportionnelle à la température. Plusieurs thermostats modernes reposent sur le même principe. Dans ce module, nous traiterons de la théorie et du fonctionnement des appareils de thermométrie les plus fréquemment utilisés dans une centrale nucléaire, notamment, les thermocouples, les
thermostats et les capteurs de température à résistance. Les thermocouples et le thermomètres à résistance sont habituellement relié à un circuit de régulation ou des appareils permettant un contrôle continu de la température. On utilise les thermostats pour assurer une régulation positive directe de la température de systèmes, dans les limites définies. 


1.  Le thermomètre à résistance électrique

 


La composition de chaque métal lui confère une résistance spécifique au passage du courant électrique. On appelle résistivité cette valeur qui, pour la plupart des métaux, varie en proportion directe de la température. Sur certains intervalles de température, cette variation est linéaire. La pente de sa variation s’appelle coefficient de température de la résistance ou sensibilité thermique. Cette linéarité forme la base de la mesure de la température par la résistance électrique. Les thermomètres à résistance sont essentiellement une bobine de fil de haute précision dont la résistance 

varie avec la température :. La mesure de la résistance électrique du fil nous donne indirectement sa température. 
On utilise divers métaux purs pour fabriquer les thermosondes, notamment le platine, le nickel et le cuivre. Une thermosonde typique continent une bobine de fil fin, ce qui maximise la variation de résistance, et minimise l’encombrement. À cause de leur précision et de leur linéarité, on choisit souvent les thermosondes de platine pour la mesure des températures des procédés 
Le branchement du thermomètre à résistance à un pont de Wheatstone permet de mesurer de très petites variations de résistance électrique. Le pont de Wheatstone qui sert transmetteur de température, compare la résistance de la thermosonde à celle de trois résistances de haute qualité dont la résistance électrique est très bien connue.  



Un thermomètre à résistance branché à un pont de Wheatstone 

Un pont de Wheatstone est constitué d’une thermosonde à résistance, de trois résistances, d’un voltmètre et d’une source de tension (figure 1).
Lorsque le courant dans le fil du milieu est nul — donc que la tension électrique aux points A et B est la même —le pont est dit en équilibre. Cet équilibre est le point zéro de l’indication de température du thermomètre à résistance. Avec l’augmentation de la résistance, la tension lue par le voltmètre augmentera. Si on remplace le voltmètre par un transducteur de tension, on pourra générer un signal d’interface 4-20 mA, proportionnel à l’intervalle de température considéré. Comme pour les thermocouples, on ne peut déporter le transmetteur loin de la thermosonde. Les fils de connexion étant longs, leur résistance électrique pourrait changer avec les fluctuations de la température ambiante. Ces variations introduiraient une erreur de mesure. On peut résoudre ce problème en utilisant une sonde à trois fils. 

Thermomètre à résistance avec sonde à trois fils 

La figure 2 montre un montage avec une sonde thermométrique à trois fils.
Les fils de raccordement (w1, w2 et w3) ont la même longueur et donc la même résistance électrique. La source de tension est branchée à un bout de la résistance et au sommet du pont de Wheatstone. On voit que la résistance électrique de la branche droite du point est égale à R1+R2+Rw2 . La résistance électrique de la branche gauche est égale à sonde R3+Rw3+Rsonde . Puisque Rw1=Rw2 , les résistances électriques des fils s’annulent, ce qui élimine l’effet des fils de connexion.


Avantages et inconvénients des thermomètres à résistance 


 Avantages
•  Le temps de réaction des résistances est beaucoup plus court que celui des thermocouples : de l’ordre d’une fraction de seconde.
•  Ces capteurs n’ont pas de problèmes de dérive, puisque contrairement aux thermocouples, ils ne sont pas auto-alimentés.
•  Dans leur intervalle d’utilisation ils sont plus précis et plus sensibles que les thermocouples.
•  Il faut, dans certains montages, installer de longs fils de connexion, les thermomètres à résistance ne nécessitent pas de câbles de rallonge particuliers. 

•  Contrairement aux thermocouples les thermomètres à résistance sont peu sensibles au rayonnement (bêta, gamma et neutronique). La quantité mesurée est la résistance et non la tension électrique. 

 Inconvénients
•  Le métal utilisé pour fabriquer les thermomètres à résistance doit être aussi pu que possible. Ils sont en conséquence beaucoup plus chers que les thermocouples.
•  En général l’intervalle de température mesuré un thermomètre à résistance est plus restreint que celui d’un thermocouple.
•  Une défaillance de l’alimentation électrique peut fausser la mesure.
•  Puisque l’on mesure de petits changements de résistance, les joints doivent donc être petits, serrés et sans corrosion.  

Dans une centrale, on utilise les thermomètres à résistance pour mesurer la température dans le réacteur et du liquide caloporteur dans le canal de combustible.
  
Modes de défaillance
•  L’ouverture de la thermosonde ou du câblage la reliant au point de Wheatstone sera interprété comme une élévation de température.
•  Une chute de tension électrique ou un court-circuit dans la thermosonde sera interprété comme une baisse de température.  

2. Les thermocouples 


Un thermocouple, ou couple thermoélectrique, est formé de deux fils d’un métal différent joints à leurs extrémités (par torsion, soudure ou brasure).
Le chauffage de cette jonction génère une tension électrique (ou force électromotrice : FEM) de quelques millivolts (mV). On dit des thermocouples qu’ils sont auto-alimentés. La figure 3 montre un circuit de thermocouple complet. 



Le circuit d’un thermocouple 

La tension produite à chaque jonction dépend de sa température. Si la température à la jonction 1, T1, est inférieure à T2, la température à la jonction 2, la FEM produite à la jonction 1 sera supérieure à celle produite à la jonction 2. Dans le circuit illustré plus haut, le courant mesuré par le galvanomètre dans la boucle de courant dépend de la différence des FEM produites aux deux jonctions.  

Pour mesurer la température d’un procédé, l’une des extrémités du thermocouple doit être en contact avec le procédé et l’autre gardée à une température constante. L’extrémité en contact avec le procédé est appelée la soudure chaude ou jonction de mesure, l’autre, gardée à température constante, est appelée soudure froide ou jonction de référence. La FEM du circuit (FEM totale) est la résultante des FEM générées aux deux jonctions : 


FEMc= FEMm. =FEMr

 Si nous connaissons la FEMc et la FEMr, on peut trouver la FEMm et calculer la température relative. 

Un transmetteur est nécessaire pour convertir la FEM produite par le thermocouple au signal normalisé 4-20 mA. On l’appelle transmetteur de température. La figure 4 montre un shéma du circuit du transmetteur de température.
Transmetteur de température avec un thermocouple schématisé 

Le circuit de mesure de la température illustré ci-dessus est formé d’un thermocouple branché directement à un transmetteur de température. Le circuit n’impose pas une configuration particulière : on peut placer les jonctions froides et chaudes là où elles accompliront le mieux leurs fonctions. Dans la plupart des cas, on mesure les températures pour prévenir les montées de température des équipements pour assurer un fonctionnement sécuritaire de la centrale. On réalise ceci en plaçant la jonction chaude sur l’appareil ou à l’intérieur de celui-ci, et la jonction froide à proximité du transmetteur, comme le montre la figure 5.


Circuit typique de mesure de température avec un thermocouple


Avantages et inconvénients des thermocouples
Avantages


• On utilise des thermocouples sur la plupart des transformateurs. La jonction chaude est plongée dans l’huile du transformateur et la jonction froide est placée à l’extérieur près du transmetteur. Cette installation simple et robuste permet de détecter directement la montée de la température de l’huile par rapport à l’air ambiant.
• En général, seul des thermocouples sont utilisés dans la salle des turbines, à cause de leur robustesse et leur faible coût.

• Les thermocouples peuvent mesurer des températures dans un intervalle plus étendu que les résistances.

Inconvénients
• Pour mesurer d’une température loin de l’emplacement du transmetteur et de la référence on devra installer des fils d’extension de thermocouple ou des câbles de compensation.
• On ne peut pas utiliser de thermocouples dans les zones de rayonnement intense (la voûte du réacteur par exemple). Le rayonnement, notamment les rayons bêtas produits par l’activation neutronique, produira une FEM dans les fils du thermocouple. Le signal du thermocouple étant une FEM, la tension électrique induite provoquera une erreur dans l’indication de température.

• La réponse des thermocouples est plus lente que celle des thermomètres à résistance.
• Si l’électronique de commande n’est pas à proximité et que l’on utilise des transmetteurs de températures (des transducteurs de millivolts à des milliampères), une défaillance du bloc d’alimentation produira évidemment des lectures erronées.


Modes de défaillance
Si le circuit du thermocouple est ouvert, le courant ne peut circuler, la lecture de la température sera trop basse, en fait, sous l’échelle.
Un court circuit dans le détecteur résultera en un courant de fuite dans le sol et donc à un FEM inférieure ce qui se traduira en une lecture trop basse de la température.


3.Les puits thermiques


L’environnement du procédé dont on veut mesurer la température sera souvent très chaut et pressurisé, parfois il sera même corrosif ou radioactif. Les capteurs (résistance, thermocouples) sont donc fréquemment montés dans des puits thermiques (figure 6) pour faciliter leur enlèvement ou leur inspection ainsi que pour les protéger mécaniquement.





Un puits thermique est fondamentalement un tube de métal dont une extrémité est fermée. Il habituellement installé de façon permanente dans la tuyauterie. Le capteur est inséré dans le puits et touche le bout fermé.
Un des inconvénients des puits thermiques est leur réponse lente puisque la chaleur doit traverser le mur pour atteindre le capteur. La figure 7 donne un exemple comparant les réponses thermiques d’un senseur exposé directement à la source de chaleur et exposé à la même source via un puits de chaleur. On pourra réduire le temps de réponse en minimisant la quantité d’air séparant le capteur du mur. 


 4.Les thermostats

Les thermostats jouent un rôle différent des thermomètres à résistance et des thermocouples que nous venons de décrire. Ils régulent directement la température d’un système en la gardant constante ou en limitant ses variations dans un intervalle précis. Bien que l’on puisse utiliser un thermomètre à résistance ou un thermocouple comme capteur d’un thermostat, les thermostats sont habituellement des dispositifs à action
directe. 
Les deux types de thermostat les plus répandus sont :
•  les thermostats hydrauliques
•  les bilames 


Les thermostats hydrauliques
Les thermostats les plus répandus sont fondés sur la dilatation thermique d’un liquide comme le mercure ou d’un solide (figure 8). 

Thermostats hydraulique 

Le poussoir qui termine le piston est utilisé pour ouvrir et fermer des contacts pour commander la position d’une vanne ou actionner une pompe. Souvent le poussoir est solidaire de la vanne tel qu’illustré à la figure 9. On utilise le même mécanisme pour les thermostats du système de refroidissement à eau des automobiles. Le cylindre contient une cire dont le point de fusion se situe autour de 180 ºF (80 ºC).  
Utilisation d’un thermostat hydraulique 

Les bilames
On fabrique les bilames en collant deux bandes de métaux dont les coefficients de dilatation sont différents (figure 10). Si l’on chauffe le bilame à une extrémité, le métal dont le coefficient de dilatation est plus élevé s’allongera davantage que l’autre et le bilame se pliera dans la direction du métal dont le coefficient est plus bas (Figure 11). 

Un bilame 
Courbure du bilame causée par son chauffage 

En fixant des éléments de contact au bilame, on transforme celui-ci en un thermostat rapide, permettant de réguler la température de l’air (figure 12).
Ces thermostats ont une limitation : ils ne peuvent être installés en présence de vapeurs inflammables, à cause des étincelles entre les contacts. 

Thermostat à bilame 

Un des grands avantages du bilame est qu’il peut être utilisé sur un intervalle de température lorsqu’il est enroulé (ce qui accroît l’amplitude de son mouvement) et placé sur un pivot ajustable (figure 13). Les thermostats domestiques sont généralement conçus de cette façon. 
Une utilisation du bilame : le thermostat domestique 
Thermomètres à bilame 

On trouve souvent des bilames dont la bande bimétallique est torsadée.
Tout comme pour le bilame enroulé, cette configuration amplifie l’amplitude de la réponse. La figure 14 montre un exemple de bilame torsadé.
Les thermomètres à bilame sont très robustes et requièrent peu d’entretien.
On les emploie habituellement pour la mesure de la température de pièces comme les pompes ou les paliers.

  
Thermomètre à bilame torsadé
(pointer : aiguille, instrument case : boîtier, helical bimetal : bilame torsadé)